En mai 2011, le «collège employeur», (FNOGEC et syndicats de chefs d’établissement), a dénoncé la convention collective des PSAEE, les personnels OGEC des établissements privés catholiques.
L’objectif de cette dénonciation était alors très clair: uniformiser les statuts des différents personnels afin de les aligner par le bas.
Ces salariés font des métiers très divers: entretien des locaux, tâches administratives, surveillances des élèves, gestion du réseau informatique, soins infirmiers…Salariés de droit privé, ils sont embauchés par l’OGEC de chaque établissement. Ces associations loi 1901 perçoivent de l’Etat le forfait d’externat, une subvention publique destinée, entre autres, à couvrir ces salaires.
Trois représentant·es CGT ont été chargé·es de participer aux négociations durant les 18 mois prévus à cet effet. Ils ont fourni un travail remarquable. Face aux propositions régressives du collège employeur, ils ont refusé de cautionner une parodie de négociation et ont été les seuls à présenter une contre-proposition tout à la fois constructive et favorable aux salariés. Pour autant, la position des employeurs est restée inamovible et, à peu de choses près, c’est le texte employeur qui est présenté à la signature en décembre 2012. Preuve que ces propositions étaient inacceptables: quatre des six organisations salariées ont refusé de signer cette convention collective de substitution puis ont exercé leur droit d’opposition l’empêchant ainsi d’être appliquée.
Peu habitué à l’unité des syndicats de salariés, il est évident que le collège employeur a été surpris mais leur contre-offensive a été à la fois rapide et brutale.
Leur nouvelle convention collective n’est pas passée… et bien: ça devra se payer. Le 11 janvier, des recommandations de la FNOGEC préconisent de supprimer tous les maigres avantages accordés par la convention collective de 2004. En plein hiver, les chefs d’établissement suppriment les jours enfants malades et mettent en place les 3 jours de carence des salariés OGEC. Partout, ils clament que ces régressions sont «de la faute» de la CGT, de la CFDT, de la CGC et de FO qui n’avaient qu’à signer.
C’est dans ce contexte qu’ont lieu les premières réunions des salariés OGEC du bassin brestois impulsées par la CGT. Au préalable, une rencontre avec l’Inspectrice du travail est proposée. Elle permet à la fois de l’informer de la disparition de la convention collective mais aussi de faire le point sur les droits des salariés que les patrons ne peuvent remettre en cause (avantages individuels acquis, éléments constitutifs du contrat de travail…).
Le 29 janvier, les OGEC des établissements brestois sont invités à la Maison du Peuple afin de rencontrer Danielle Larrazet, négociatrice nationale de la CGT. Les échanges sont vifs : les salariés déplorent le manque d’informations, la soudaineté et la brutalité des régressions, les inégalités entre statuts, le dédain du corps enseignant. Le bourrage de crâne des employeurs a produit son effet : les syndicats non signataires sont désignés comme responsables. La réflexion avance au fur et à mesure des prises de parole. Par exemple, les personnels d’éducations sont certes les premiers visés par la dénonciation de juin 2010, mais l’augmentation de leur temps de travail leur imposera d’effectuer d’autres tâches et entraînera la suppression de poste dans l’administration, l’entretien… Le témoignage de Danielle, illustré par les différentes versions de conventions sont explicites : le collège employeur a clairement décidé de modifier la convention collective à son seul avantage et ce depuis des années. Ce ne sont pas les mini-promesses d’augmentation de salaires qui peuvent compenser la dureté des nouvelles conditions de travail : flexibilité, suppression des métiers, désindexation du point de la fonction publique, polyvalence imposée, répression d’un supposé absentéisme… Deux évidences en fin de réunion : il faut se revoir et on ne peut laisser passer ces régressions injustes.
Cinq réunions vont donc suivre entre le 5 février et le 3 avril.
Très vite, des responsables CFDT rejoignent le mouvement et assistent aux réunions qu’ils animent au même titre que ceux de CGT. A chaque fois, il s’agit d’apporter les éléments d’informations dont disposent les syndicats, de faire le point sur chaque établissement et d’analyser la situation, ensemble, et semaine après semaine. L’ambiance est détendue. Une cinquantaine de participants, salariés et enseignants, représentent cinq groupes scolaires et quelques établissements indépendants du bassin brestois. Les sujets abordés lors des discussions permettent d’éclairer les décisions du collège employeurs mais aussi les situations au niveau local. Des inégalités entre les salariés et entre les établissements sont pointées : temps de pause, gestion des arrêts maladies, politique sociale, salariale, management plus ou moins agressif…
Certains établissements se placent même carrément hors- la-loi1.
Au-delà des discussions, l’action collective prend aussi toute sa place : rédaction de pétitions, de tracts, de courrier aux instances. Les réunions inter-établissements se déclinent au sein de chaque ensemble scolaire et trouvent écho lors des NAO (négociations annuelles obligatoires) ou des réunions CE-DP. Plusieurs conférences de presse sont convoquées à Brest et Landerneau. Enfin et surtout, les salariés pointent la nécessité d’une action forte et visible de tous.
L’idée de perturber les portes ouvertes est évoquée mais c’est la grève qui fait l’unanimité dès le 20 février.
Chaque décision est l’aboutissement d’une discussion et d’un vote à main levée. La date du 28 mars est posée puis sera remplacée par celle du 4 avril pour cause de télescopage avec un autre mouvement dans l’Education Nationale.
Les discussions au niveau national ont très vite évoqué la mobilisation brestoise et la possibilité que le mouvement fasse tache d’huile dans d’autres académies.
Des réunions ont lieu, des contacts sont pris à Caen, à Nantes, à Reims… Les adhésions à la CGT de personnels OGEC explosent durant ces 3 mois. Il est clair que la situation devient inquiétante pour le collège employeur…
Le 1er avril, soit 72 heures avant la journée de grève un nouveau texte s’applique. Ce sont de nouvelles « recommandations » de la FNOGEC : elles conseillent de revenir sur les principales raisons de la colère des salariés, à savoir les 3 jours de carence et les jours enfants malades.
A Brest, la nouvelle est accueillie avec soulagement, mais ce n’est pas suffisant : il faut :
- la rétroactivité2 au 14 décembre,
- le jour de carence au deuxième arrêt est inadmissible,
- l’ancienneté doit être comptabilisée dans l’enseignement catholique et non dans l’établissement,
- la progression des durées d’indemnisation maladie n’est pas satisfaisante…
Les salariés sont dorénavant informés et mobilisés. Ils sont maîtres de leurs revendications et des mobilisations qu’elles impliquent. Après discussion, la grève du 4 est confirmée à 38 pour, 2 abstentions et 1 contre. Une soirée préparation de banderoles est programmée.
Le 4 avril 2013, à leur initiative et sur leurs revendications, élaborées localement et collectivement, une soixantaine de salariés PSAEE se sont rassemblés place de la Liberté.
C’est la première fois, de mémoire d’OGEC, à Brest. Le service de restauration est bloqué sur trois groupes scolaires. Les enseignants sont aussi présents, certains ont fait grève, d’autres ont participé au pique-nique de solidarité, contribué financièrement à une caisse de soutien qui continue de se remplir deux mois après. Des réunions sont d’ores et déjà prévues à intervalles réguliers.
Responsable académique, mais surtout représentante CGT à Brest depuis 2003, j’ai activement participé à ce mouvement et beaucoup appris du travail accompli lors de ces réunions conviviales3. Ces trois mois m’ont confortée dans la certitude que les revendications avancent lorsqu’elles sont portées activement par des salariés informé·es et uni·es au-delà de chaque statut, chaque établissement, chaque groupe scolaire. Le travail des négociateurs nationaux prend dès lors tout son sens : la voix portée est claire et évidente, puisqu’elle est celle des salariés acteurs de leurs propres luttes. Certains se syndiquent, d’autres non, mais la conscience de partager les mêmes réalités de travail et de pouvoir obtenir mieux est devenue une évidence.
Pascale Picol
Déléguée syndicale Brest Javouhey
Déléguée du personnel à La Croix Rouge Brest
1 : La spécialité du plus important d’entre eux consiste à «pénaliser» chaque absence du salarié. Le temps de travail étant annualisé, le salarié « doit » à l’établissement la différence entre la durée indemnisée et la durée de travail prévue sur son planning. Plus clairement : pour un jour d’absence (8h), il doit 1 heure (8-7) ; 4 heures pour une semaine (39-35)... que l’absence soit pour un arrêt maladie, un congé exceptionnel ou une formation. Ces pénalités illégales s’accumulent jusqu’à 3 mois, c’est-à-dire jusqu’à ce que le régime de prévoyance prenne le relais. Autre usage, le cliquet. Les ASEM sont indispensables dans les écoles mais elles bénéficient d’avantages conventionnels supérieurs aux autres. La solution : répartir les fonctions d’ASEM entre des salariés qui font 51% de tâches d’entretien; c’est-à-dire juste avant que le cliquet des 50% ne fasse basculer le contrat en ASEM. Le plus gros ensemble scolaire de Brest n’embauche ainsi aucun ASEM.Elle sera obtenue sans discussion dans tous les établissements de Brest. 2- Le 3 mai, la FNOGEC propose de l’étendre nationalement 3- J’en profite pour remercier Fabienne Bodin du SDEN29, Olivier Le Pichon et Christian Corre des UL de Brest et Landerneau et l’UD29 pour leur soutien, prêt de matériel et de locaux«L’idée de perturber les portes ouvertes est évoquée mais c’est la grève qui fait l’unanimité »